Alexandre AC., 33 ans, Hodgkin
Je m’appelle Alexandre, j’ai 33 ans, je suis marié et j’ai deux enfants de 4 et 2 ans.
Je souhaite partager mon témoignage, qui je l’espère aidera tous ceux qui sont touchés par cette maladie.
Le diagnostic
Début d’année 2021, vers Février / Mars, j’ai constaté que j’avais la base du cou gonflé. Pas trop inquiet car les grosseurs étaient identiques de chaque côté, je prends quand même RDV chez mon généraliste qui, sans s’alarmer, me prescrit une échographie et une prise de sang.
Les résultats de la prise de sang sont excellents, RAS et j’hésite même à aller faire l’échographie. Après quelques semaines, je me décide à y aller .. Dès que le médecin passe son appareil à la base du cou, inquiétude : « vous avez ça depuis quand ? » .
Un scanner m’est prescrit en urgence une semaine plus tard dont les résultats, incompréhensibles pour un novice, déclenchent un rdv en urgence chez un hématologue / oncologue 2 jours plus tard : découverte d’un vocabulaire qu’on pensait pour les autres.
Après des échanges banaux sur ma situation perso / pro etc.. il me questionne sur les symptômes : fièvre récente ? « Non pas souvenir ». Fatigue ? « Pas vraiment, enfin je sais pas trop, vous savez j’ai deux enfants en bas âge ». Démangeaison ? « Oui énormément depuis plusieurs semaines, sur le haut du dos ».
Il ouvre le scanner, regarde 1 min, referme et me dit qu’il y a 95% de chance que ce soit un lymphome de Hodgkin. Traduction : cancer du système lymphatique.
Bon, là c’est la claque, c’est le néant, c’est dur à encaisser : j’ai 33 ans, je me sens bien, je suis épicurien mais sportif (marathon de NY en 2019), je suis marié, j’ai 2 enfants en bas-âge, nous avons repris avec mon épouse la société familiale et on me dit, enfin non, mon cerveau me dit que je vais mourir.
Tout de suite l’oncologue se veut rassurant, sous réserve du diagnostic, c’est une maladie qui se soigne bien. S’en suivent les questions tous azimuts : ce sera par chimio ? c’est quoi une chimio ? je vais perdre mes cheveux ? je vais être fatigué ? et mon travail ?
Ensuite ça va très vite : rdv dans la foulée chez anesthésiste, puis ORL pour pose du PAC avec prélèvement d’un ganglion sous anesthésie générale 3 jours plus tard. Le post-opération a été la phase la plus dure pour moi.
On se retrouve avec un boîtier sous la peau (taille d’un bouchon de coca), des cicatrices et surtout dans l’attente du diagnostic final et toutes les questions inhérentes, parfois les plus noires, liées à l’incertitude. Quelques jours après l’opération, je réalise un PET Scan qui permet de voir exactement l’étendue de la maladie.
10j après mon opération, l’oncologue m’appelle pour me donner le diagnostic : « bonne nouvelle, c’est un Lymphome hodgkin Stade II, vous allez guérir ». C’est la validation que je suis bien malade, j’avais peu de doute, mais c’est un soulagement, voir je l'accueille une bonne nouvelle.. Je m’explique : même si c’est sur une phase de traitement, je me projette à nouveau, ce que je n'arrivais plus à faire depuis 10j.
Nous sommes début Juin 2021, mon traitement débutera au début du mois de juillet et, avec l’accord de l’oncologue, je continue de travailler mais profite pleinement de ce mois avant le début du traitement (vacances en famille, mariage d’amis etc..). Je me sens bien physiquement, je suis bien mentalement et prêt à affronter ces mois compliqués.
Avant la première chimio
Dans les premiers temps, il y a l’explication du protocole, qui est dans le cas du Lymphome Hodgkin est déjà défini (disponible sur internet) selon le stade d’avancement (1/2/3/4). Me concernant, avec un stade II, ce sera 6 chimios, 1 toutes les 2 semaines puis 10 séances de rayons.
Le mois avant le traitement est une période où je me suis posé énormément de questions sur la maladie, sur le traitement, sur la suite.. Il y a beaucoup d’informations, de forums sur internet.. Je déconseille d’y aller car ça peut faire peur. Sur internet je me suis fait conseiller, et je n’allais chercher mes réponses que sur le site de l’institut national du cancer et d'ELLyE.
C’est une période pendant laquelle mon entourage (proche et moins proche) m’a donné beaucoup de conseils, notamment sur les traitements parallèles pour accompagner les chimios. Je ne faisais rien sans l’aval de mon oncologue qui, en bon scientifique, était sceptique sur la plupart d’entre eux (il en a qualifié certains de charlatans). Finalement je n’ai pris que du desmodium en gélule, qui est une plante qui « nettoie » le foie.
Durant ce mois, malgré le fait que nous souhaitions plus d’enfants (nous en avons déjà 2), j’ai été fortement encouragé à congeler mes spermatozoïdes (gamètes en terme médical) car la chimio peut avoir un impact sur la fertilité. Ce que j’ai fait, ce ne fut pas la partie la plus désagréable.
C’est au centre de fertilité que j’ai eu un entretien avec une psychologue. C’est un service gratuit, qui est proposé par l’hôpital. L’entretien avec la psychologue m’a permis d’aborder le sujet délicat de nos enfants. Est-ce qu’il faut leur dire ? Leur caché ? Si oui comment ? Il m’a conseillé de ne pas le cacher, de leur expliquer car les enfants vont sentir qu’il y a un problème et se culpabiliser. Nous avons acheté des livres qu’elles nous a conseillé, des livres pour accompagner les explications (ex : Le lion perd sa crinière), ce fut très utile.
Une semaine avant le début des traitements, j’ai été contacté par une des infirmières du service de chimio où j’allais être suivi pour que je puisse poser toutes mes questions. Là aussi ce fut très utile et rassurant car on ne se fait pas forcément une idée très objective d’un service de chimio..
Souvent j’entends des plaintes sur notre système de santé mais, dans mon cas, j’ai eu à faire de très bons professionnels, faisant preuve de psychologie et le tout sans débourser 1 cts. Ça m’a rendu fier d’être français et de notre système de solidarité que beaucoup de pays peuvent nous envier.
Le traitement
Un taxi venait me chercher devant chez moi les lundis matins, une semaine sur deux. Le matin je me posais un patch anesthésiant sur mon PAC pour qu’à mon arrivée à la clinique, à 8h, la zone soit endormie et la perf puisse m’être posée sans douleur. Ensuite, après entretien et revue des analyses de sang avec l’oncologue, on me passait 4 produits différents pendant 4h, puis je prenais le taxi vers 12h pour rentrer.
J’avais beaucoup d’appréhension avant la première séance mais les infirmières de chimio, en tout cas là où j’étais, vous traitent comme si vous veniez pour un bras cassé. Elles traitent tous les patients avec respect, convivialité et bonne humeur. J’ai compris à ce moment qu’un service de chimio n’était pas une service de soin palliatif et que les gens qui étaient ici se battaient, avec espoir, pour guérir, et que beaucoup y arriveraient. C’est là aussi que je me suis rendu compte que je n’étais pas un cas isolé, qu’il y a avait d’autres jeunes comme moi avec qui j’ai pu échanger et rigoler. On en arrive à comparer nos traitements et envier tel ou tel point du traitement de l’autre.. En résumé, en dehors des désagréments physiques (je vais y revenir), aller en chimio n’était pas un très bon moment mais pas une épreuve non plus.
Sur l’aspect physique, j’avais à peu près toujours les mêmes symptômes pendant les 3 premiers jours : écœurement, démangeaisons et fatigue. A partir du jeudi ça allait mieux et je retournais travailler le jeudi matin et le vendredi matin.
Bien sûr, plus j’avançais dans le traitement, plus j’étais fatigué et plus je perdais mes cheveux et mes sourcils. J’ai essayé de mettre le casque réfrigéré pour éviter la chute des cheveux mais ça n’a pas super bien marché et surtout c’est assez désagréable. Tant pis, la perte de cheveux fait partie du « package », même si je conçois que ce soit plus facile à vivre pour un homme que pour une femme.
Durant tout le traitement, j’ai essayé de mener la vie la plus normale possible : je travaillais à mi-temps, je sortais, j’allais au restaurant, en vacances et m’autorisais même une consommation d’alcool modérée (avec accord de l’oncologue bien sûr). J’étais persuadé que la guérison passerait par un mental au top, et dans mon cas, pour avoir le moral j’avais besoin d’avoir une vie « normale » et ne surtout pas rester chez moi à attendre que le temps passe.
Entre la 4ème et la 5ème séances de chimio, j’ai eu un deuxième PET Scan pour mesurer l’impact du traitement sur la maladie et là ce fut un jour, stressant à cause de l’attente, mais très heureux car toutes les cellules cancéreuses avaient disparues. « Vous êtes tout propre » m’a dit le médecin. C’était le 19 août 2021, la veille de mes 32 ans, un beau cadeau d’anniversaire. Bon bien sûr, pas possible d’échapper aux séances de chimios 5 et 6 mais à partir de ce jour je me suis senti, toujours guerrier, mais soulagé et optimiste.
La dernière séance de chimio, ce fut un peu comme un pot de départ : j’ai amené les croissants aux infirmières et on s’est dit adieu (dans ce cadre-là on peut le dire !) dans une ambiance conviviale.
Les rayons
Ma première chimio était le 28/06 et ma dernière le 06/09. J’ai démarré ma première séance de rayons 5 semaines plus tard. Pendant ces 5 semaines, pour pouvoir faire les rayons, vous devez vous faire faire un masque sur mesure pour cibler uniquement les zones voulues.
J’ai fait 10 séances en tout, pendant 2 semaines. J’avais la forme, car j’avais bien récupéré pendant ces 5 semaines, et me rendais aux séances en voiture. La crainte que j’avais avec les rayons c’était les brûlures. Sur les conseils de mon entourage, et sans contre-indication de mon oncologue, j’ai fait appel à un coupeur de feu pour éviter les brûlures, ce qui a bien fonctionné. J’ai découvert après que l’hôpital avait une liste de coupeurs de feu référencés.. comme quoi cette pratique gagne en légitimité / crédibilité dans le milieu médical.
Après / Depuis
5 semaines après la fin des rayons j’ai fait mon 3ème PET Scan qui a confirmé que le traitement avait très bien fonctionné et supprimé toutes les cellules cancéreuses. J’ai repris le travail à plein temps début décembre, on m’a enlevé mon PAC le 08 décembre, j’ai pu passer les fêtes de Noël comme une personne normale, clôturer cette mauvaise année 2021 et commencer 2022 avec la volonté de profiter encore plus de la vie avec entouré de ceux que j’aime.
Alors oui je vis toujours avec une appréhension, oui je pense tous les jours à ce qui m’est arrivé, oui je me touche la base du cou tous les matins en me levant mais cette maladie ne laisse pas que du négatif. Aujourd’hui je relativise beaucoup plus et prends du recul sur les tracas du quotidien, du travail. Les choses importantes sont devenues évidentes : ma famille, mes proches et profiter de la vie ! A quoi bon être le plus riche du cimetière ?
Je pense que c’est important de se fixer des objectifs à l’issue du traitement, ça permet de tourner des pages et de mettre de la distance, en plus de la temporelle, avec la maladie.
Pour ma part, j'ai battu mon record au marathon de Berlin le 25 septembre 2022, une étape de plus franchie !
Courage, et surtout gardons le moral !