François , 43 ans, Hodgkin

Un témoignage de plus dans ce flot d’histoires, toutes courageuses, toutes communes et pourtant toutes uniques.

J'ai été pour ma part diagnostiqué pour un lymphome hodgkinien de stade 1A début 2006. Une sorte de chance dans la malchance car je n'étais qu'au début de l'évolution de cette maladie. Peut-être mon corps avait-il réagi très vite (grosseurs dans le cou particulièrement visibles). J'ai décidé de me battre, après avoir versé quelques larmes de rage je l'avoue, mais la vie était trop importante pour ne pas lutter, surtout quand on est jeune et en bonne santé (autrement), quel paradoxe !

J'avais 33 ans, je vivais et travaillais à Paris dans une agence de communication comme graphiste, je croquais la vie à pleines dents... Jusqu'à l'annonce de cette maladie un matin par téléphone, puis la prise de conscience des évènements à venir (certains qu'on fantasme, d'autres qu'on minimise au contraire), le début des traitements, la solitude ressentie bien souvent, le regard des autres face à un visage malade, sans doute le pire ressenti à mes yeux... puis la convalescence, physique et psychologique. Je ressentais une fatigue après chaque traitement mais je compensais par des séances de course à pieds où je me surpassais, je rentrais épuisé mais profondément bien.

Mes collègues de travail auront eux aussi été prévenants et m’auront aidé à affronter certains moments. Je ne me suis pas vraiment arrêté de travailler d'ailleurs, le travail m'a aidé à continuer à vivre, presque comme avant, du moins pendant les traitements.

Puis j'ai quitté Paris quelques mois après la fin des protocoles. J'avais compris que cette vie n'était plus faite pour moi. Je suis revenu vivre dans ma région natale en Alsace et j'ai démarré une vie nouvelle, faite d'attentions toutes particulières sur une meilleure hygiène de vie, une alimentation plus équilibrée et surtout moins d’excès. Mes goûts avaient changé, ma manière de voir le monde et les choses également. Je suis devenu végétarien quelques années plus tard, c'était pour moi une suite logique pour une convalescence morale durable. Lorsqu'on vit un cancer, des traitements difficiles, on prend conscience de ce que le mot bien-être veut vraiment dire. Et je ne me voyais plus infliger indirectement de la souffrance et décider de la vie ou de la mort d'êtres vivants pour ma consommation personnelle et mon propre plaisir. Le processus a pris du temps mais qu'importe, il a été essentiel dans ma vie et je n’aurai je crois jamais aucun regret ou doute sur la question. Je n’y ai d’ailleurs trouvé que des bénéfices physiques (et moraux évidemment).

Environ une année après les traitements, j'ai, sur le conseil de ma compagne d'alors, décidé d'aller voir une psychologue afin d'évacuer un stress qui s'était installé subitement et qui se manifestait par des crises de panique (ou d'angoisse) qui m’effrayaient, quand je conduisais sur l'autoroute ou quand je nageais au milieu d'un grand bassin par exemple. J'avais le sentiment soudain de ne plus maitriser la situation, de ne plus être maître de mes faits et gestes. N'ayant jamais connu ça auparavant, la thérapeute m'a alors expliqué que l'annonce de la maladie avait fait l'effet d'un traumatisme et qu'il faudrait quelques séances afin de remettre un peu d'ordre dans tout ça.

J'aimerais insister sur ce point, peut-être que beaucoup n'en auront jamais ressenti le besoin et c’est tant mieux, mais l’aspect psychologique de la maladie était encore ignoré il y a quelques années, et je crois qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès depuis. L'annonce d'un cancer fait l'effet d'un choc émotionnel qui ne devrait pas être minimisé.

Comme dans tout, il y a encore beaucoup de progrès à faire... Quoi qu'il en soit, je remercie la médecine et le personnel soignant, et je me dis souvent que j'ai eu beaucoup de chance de ne pas naître quelques décennies plus tôt (on ne guérissait pas ou très mal le lymphome hodgkinien avant 1960), de naître en France et de pouvoir profiter d'une offre de soins sans égale et gratuite (des personnes s'endettent pour pouvoir se soigner aux États-Unis) et de profiter de la vie aujourd'hui encore, chaque matin que Dieu fait, douze ans plus tard.

Je souhaite à chacune et à chacun qui a été, est ou sera touché de près par cette maladie de garder l’espoir et la foi en cette vie merveilleuse. Je pense aussi à celles et ceux qui auront ou auront eu moins de chance.

Courage !

François, 43 ans (Munich)