Etude sur l'Impact Multidimensionnelle des Lymphomes Au Quotidien et sur le Travail
Enquêtes
Parce qu’ils ne s’appellent pas « cancers », les lymphomes souffrent d’une méconnaissance du grand public voire de certains professionnels de santé.
Un lymphome est un cancer du système immunitaire qui se développe quand une erreur survient au niveau de la fabrication des lymphocytes (globules blancs), entraînant la production de cellules anormales qui peuvent proliférer en se divisant plus vite et/ou en vivant plus longtemps que les lymphocytes normaux. Les lymphocytes cancéreux tout comme les lymphocytes sains peuvent se développer dans différents endroits de l’organisme : ganglions lymphatiques, rate, moelle osseuse ou autres organes.
En France métropolitaine, les lymphomes représentent la moitié des hémopathies malignes (maladies du sang et du système lymphatique) et 6 % de l’ensemble des nouveaux cas de cancer. Ils sont les cinquièmes cancers les plus fréquents chez l’adulte, les troisièmes cancers les plus fréquents chez les enfants de moins de 14 ans et les cancers le plus souvent diagnostiqués chez les adolescents de 15 à 17 ans . Le lymphome est le premier cancer chez les adolescents et les jeunes adultes.
Plusieurs catégories de lymphomes existent :
- le lymphome hodgkinien ou lymphome de Hodgkin (LH)
- les lymphomes non hodgkiniens (LNH) qui recouvrent plus de 80 sous-types de lymphomes agressifs ou indolents : les lymphomes à cellules B, à cellules T ou à cellules NK. Leur classification est établie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et permet aux différents médecins d’avoir une même approche du diagnostic et un même « langage » .
En 2018, en France, le nombre de nouveaux cas estimé de patients LH est de 2 127 dont 58 % chez l’homme. L’âge médian de survenue est de 33 ans chez la femme et de 38 ans chez l’homme .
D’autres types de lymphomes sont plus rares, comme les lymphomes cutanés (LC), un sous-type de LNH, qui représente 800 nouveaux cas par an en France. Cette maladie rare touche plus fréquemment des hommes (64 % des cas) que des femmes. L’âge médian est de 65 ans chez les hommes et 63 ans chez les femmes .
Souvent asymptomatiques dans un premier temps, les lymphomes se manifestent et se confondent fréquemment à travers des symptômes qui pourraient s’expliquer par d’autres causes : forte fatigue, ganglion enflammé et/ou dont la taille évolue, fièvre persistante, suées nocturnes, démangeaisons, perte de poids, toux sèche…
Les patients LC sont en règle générale diagnostiqués avec un psoriasis alors que les patients LH ont souvent comme symptômes visibles une grande fatigue ou une déclaration de surcharge de travail.
IMPAQT , la première étude qui explore les répercussions de la maladie et les attentes des patients souffrant de LH ou de LC
Les lymphomes sont en forte croissance depuis vingt ans et représentent des formes souvent sévères d’hémopathies malignes.
L’enquête IMPAQT (Impact Multidimensionnel des lymPhomes Au Quotidien et sur le Travail) a pour objectif de recueillir l’avis des patients sur leur vécu et de leur permettre d’exprimer leurs souhaits pour que leur maladie soit mieux reconnue. Cette enquête explore en particulier le retentissement de ces maladies sur la qualité de vie tant professionnelle, étudiante que personnelle des patients, de manière à optimiser leur information et accompagnement.
Sur les 312 répondants à l’enquête IMPAQT, 273 souffraient d’un LH (cancer agressif affectant en majorité les adultes de moins de 40 ans mais dont les taux de guérison dépassent 80 % des cas5) et 39 répondants d’un LC, représentant environ 5 % des patients atteints de LC en France (pathologie rare mais chronique, invalidante et qui touche des personnes dont l’âge médian est supérieur à 60 ans).
Un besoin d’accompagnement crucial
Le rôle des professionnels de santé est déterminant tout au long du parcours de soins des patients atteints de lymphomes. Leur rôle est fondamental dans le partage de l’information et l’accompagnement des patients. 48 % des patients LH se sentent tout à fait bien informés sur leur traitement alors qu’ils ne sont que 23 % chez les patients LC avec un délai de prise en charge qu’ils jugent trop long.
Le fardeau psychologique est plus important chez les patients LC : ils sont 61 % à souhaiter davantage d’accompagnement psychologique, en particulier à la suite du diagnostic. Cependant, 69 % des patients LC n’ont jamais fait appel à un psychologue par manque d’information, le recours à un psychologue étant plus généralisé pour les patients LH (55 %) que pour les patients LC (31 %) que ce soit à la suite du diagnostic, pendant ou après l’arrêt du traitement.
Un besoin de reconnaissance
Les patients LC sont majoritaires à 58 % à souhaiter une communication autour de leur maladie, en comparaison avec d’autres cancers qui sont plus médiatisés. Ils attendent des investissements plus importants en Recherche & Développement pour développer des traitements efficaces, ainsi qu’une meilleure information auprès des médecins du travail pour optimiser leur accompagnement des patients.
Le lymphome de Hodgkin (LH)
Ces données sont les principaux résultats de l’enquête IMPAQT , première étude française à analyser l’impact des lymphomes de Hodgkin et des lymphomes cutanés sur le parcours de vie socio-professionnelle des malades
Un cancer agressif qui touche les jeunes adultes
Le LH est un cancer qui affecte en majorité les jeunes adultes de moins de 40 ans. Il est consécutif à la transformation d’un lymphocyte B (globule blanc) initialement normal qui se multiplie de façon incontrôlée formant un amas de cellules anormales qui constitue une tumeur cancéreuse. Ces cellules cancéreuses se développent le plus souvent sur les ganglions lymphatiques en passant par les vaisseaux lymphatiques. Le LH, qui évolue lentement, peut également démarrer à partir d’un organe qui contient des cellules du système immunitaire.
Les manifestations du LH sont en règle générale l’augmentation d’un ou de plusieurs ganglions lymphatiques situés dans le cou, les aisselles ou le médiastin (région du thorax située entre les deux poumons qui comprend le cœur, l’œsophage et la trachée).
Quatre stades permettent de définir le degré d’évolution du LH selon la classification d’Ann Arbor élaborée en 1971 par un groupe d’experts internationaux :
- Stade I : maladie localisée à un seul groupe de ganglions ou à un seul organe
- Stade II : maladie localisée dans plusieurs groupes de ganglions situés du même côté du diaphragme (partie inférieure ou supérieure du corps)
- Stade III : maladie présente dans plusieurs groupes de ganglions situés des deux côtés du diaphragme (partie inférieure et supérieure du corps)
- Stade IV : maladie qui s’est étendue à un ou plusieurs viscères (poumons, foie ou os par exemple)
Le stade contribue à se faire une idée du pronostic et facilite le choix du traitement à mettre en place pour chaque patient.
La présence de cellules appelées cellules de Reed-Sternberg sont caractéristiques de la localisation du LH dont le pronostic reste globalement bon puisque plus de 80 % des patients en guérissent .
Une période intense dès l’annonce du diagnostic qui impacte la qualité de vie
Le LH est une pathologie dont le diagnostic est rendu difficile en raison des symptômes qui sont polymorphes. Il impacte en majorité l’état psychologique (58 %) et l’apparence physique (45 %) des patients durant les traitements. Si 45 % des patients n’ont jamais eu recours à un psychologue que ce soit au moment du diagnostic, pendant ou après le traitement, il a été nécessaire pour 17 % des patients à l’annonce du diagnostic et 36 % lors de leur prise en charge. Ils sont par ailleurs 63 % à déclarer que cette maladie les inquiète beaucoup. Parmi les difficultés rencontrées, l’anxiété ou la déprime est présente chez 75 % des patients.
Cette épreuve avec ses difficultés où le négatif prédomine a cependant permis pour 60 % de savoir mieux profiter de la vie. Elle peut procurer une force voire une certaine détermination de devenir « maître de sa vie ».
Témoignage de patients :
« Quand ma généraliste m’a dit que c’était une maladie de hodgkin, et que cela se soignait bien, je me suis dit, chouette, c’est pas grave alors, et je lui ai dit : quand est-ce que je passe vous voir pour la prescription des cachets ? … Je n’ai rien compris quand elle m’a parlé de chimiothérapie. »
Une prise en charge lourde de conséquences pour le parcours professionnel ou étudiant
Un peu plus de la moitié des patients LH ont parlé librement du lymphome à leur entourage professionnel, alors qu'un tiers a adopté une stratégie plus ciblée, n’en parlant qu'à certaines personnes. Les réactions des collègues ont été en règle générale positives, puisque 69 % des patients qui en ont parlé ont reçu du soutien de leurs collègues ou de la hiérarchie.
Pendant l’arrêt de travail ou de fréquentation des cours, 87 % des patients LH ont continué de temps en temps ou fréquemment à garder le contact avec leurs collègues, leurs supérieurs, les enseignants ou les camarades de classe ou de promotion. L’impact de ce maintien du contact a été positif dans 60 % des cas pour un retour à l’emploi ou la reprise des études.
En revanche, un patient sur cinq ne s’est pas senti soutenu pendant cet arrêt et regrette d’avoir parlé de son lymphome.
Concernant le retour à l’emploi, un peu plus de la moitié des patients ont pu réintégrer leur ancien poste ou leur cursus mais certains d’entre eux (21 %) disent avoir éprouvé des difficultés à la reprise. Ils sont 40 % à avoir bénéficié d’un aménagement de leur poste de travail.
Le parcours professionnel a été impacté par la maladie pour un tiers des patients LH. 13 % ont dû quitter l'entreprise ou n'ont pas pu reintégrer leur ancien poste.
Témoignage de patients :
« Il y avait une période un peu difficile parce que j’avais moins de résultats qu’avant en termes de vente. Je n’avais plus la niaque comme avant… Même s’ils étaient bienveillants, ils s'attendaient à plus de ma part… Mais cela s’est bien passé finalement… Mais c’est vrai que j’ai fait beaucoup aussi, j’ai travaillé un WE alors que j’étais encore en congé maladie. »
L’avenir professionnel semble compromis chez les patients LH qui se disent pessimistes à 23 %. En cas de perte d’emploi, 53 % pensent que le fait de retrouver un emploi ne sera pas facile.
Quant aux étudiants qui souffrent d’un LH, le ressenti est très lourd puisque 48 % des patients ne se sentent pas accompagnés par leur établissement pour une bonne réinsertion à leur retour ; ils sont 45 % à dénoncer un problème d’aménagement du temps ce qui impacte négativement leur parcours pour 71 % de ceux qui ont fait ce constat.
Une épreuve qui marque
Le LH représente environ 0,5 % de l’ensemble des cancers et 10 % de l’ensemble des lymphomes. Avec les traitements disponibles (chimiothérapies, radiothérapie et immunothérapies), il peut être guéri dans plus de 80 % des cas avec une rémission à 5 ans.
Cette épreuve a conduit un tiers des patients LH à changer positivement de vie : réorientation professionnelle, engagement sur le plan personnel ou la réalisation d’un projet familial.
Les lymphomes cutanés (LC)
Une maladie chronique qui évolue par crises et qui touche principalement les séniors
Les lymphomes cutanés (LC) sont issus de la prolifération de lymphocytes cancéreux au niveau de la peau dans 75 % des cas. De très nombreux lymphocytes se déplacent en permanence vers la peau et lorsque l’un deux mute et grandit, de manière incontrôlée, cela entraîne un lymphocyte cutané. La majorité des LC n’étant pas agressifs et se transformant lentement, cette maladie évolue sur plusieurs années et appartient à la catégorie des maladies chroniques.
Les lymphomes cutanés constituent un sous-ensemble des lymphomes non hodgkiniens (LNH). Il en existe de nombreuses formes différentes et on distingue principalement les lymphomes cutanés à cellules B et les lymphomes cutanés à cellules T.
Les lymphomes cutanés sont des maladies plutôt rares. En 2018, 800 nouveaux cas de LC ont été estimés en France. Cette maladie rare touche plus fréquemment des hommes (64 % des cas) que des femmes. L’âge médian est de 65 ans chez les hommes et 63 ans chez les femmes . Dans 75 % à 80 % des cas, il s’agit d’un lymphome cutané à cellules T, dans 20 % à 25 % des cas, d’un lymphome cutané à cellules B .
Le pronostic vital des patients LC n’est pas en jeu puisque ces derniers ont une espérance de vie proche de la normale, malgré certains décès imputables au LC.
Une errance diagnostique, berceau du fardeau psychologique
Le LC est une pathologie protéiforme plus rare que le lymphome de Hodgkin mais chronique et pouvant être affichante. Son diagnostic est complexe et posé à la suite d’une errance de 40,5 mois (3,4 ans) en moyenne, une période jugée par 63 % des patients comme assez voire trop longue. Les LC peuvent s’apparenter à d’autres pathologies chroniques comme l’eczéma, le psoriasis, les allergies ou les réactions médicamenteuses. Le diagnostic, de par sa complexité, nécessite de faire appel à plusieurs experts.
Différents examens permettent de diagnostiquer un LC : examens sanguins des différentes cellules et de la béta-2 microglobuline (B2M) qui constitue un marqueur de la maladie ; biopsie cutanée qui consiste à prélever un fragment de peau de la zone concernée.
Une inquiétude grandissante au fil des années
Parmi les nombreux symptômes supportés par les patients LC, on retrouve les plaques rouges ou rougeurs (82 %) ; les démangeaisons (77 %) et la sécheresse cutanée (74 %). Les rougeurs et les lésions peuvent avoir un effet important sur l’estime de soi et sur la vie sociale. Ainsi, 85 % des répondants se déclarent anxieux ou déprimés.
L’absence de protocole et la méconnaissance sur l’évolution de la maladie rend les patients LC d’autant plus inquiets : ils n’ont aucune visibilité sur l’enchaînement des traitements et leur durée globale. Ainsi, ils sont plus d’un tiers (34 %) à être insatisfaits de leur prise en charge globale.
90 % des patients LC vivent dans une grande inquiétude, et 62 % expriment leur découragement. Ils sont 87 % à être conscients de la réalité : leur maladie ne peut être complètement guérie.
Témoignage de patients :
« Des plaques qui sont arrivées d’un coup au niveau du buste. J’ai consulté de nombreux dermatologues,… à chaque fois que j’en consultais un, c’était soit de l’eczéma, soit autre chose… une errance médicale complète, d’un médecin à l’autre, c’était une maladie, puis une autre, ce n’était jamais grave. »
« On dit toujours quand on a un cancer il faut se dépêcher. Et là on me dit : ça on ne guérit pas ça reste chronique.. .. On dit que ce n’est pas grave, mais on ne peut pas me dire comment ça va évoluer. Il y a tout de même des gens qui en meurent… »
Une maladie qui impacte gravement la vie sociale et professionnelle
Si le LC entraîne pas ou peu d’arrêts de travail, les patients sont malgré tout 24 % à avoir dû quitter l’entreprise ou à avoir été licenciés. Ils sont pratiquement un sur deux à ne s’être pas sentis soutenus lorsqu’ils étaient en arrêt de travail.
Le LC a impacté le parcours professionnel ou la formation d’un quart des patients. 44 % des répondants ont rencontré au moins une difficulté professionnelle : dans 15 % des cas la maladie a constitué un frein à l'évolution professionnelle et dans 11 % des cas le lymphome a empêché la réalisation de certaines missions prévues dans leur poste. 38 % des patients en activité sont insatisfaits de leur situation professionnelle, dont 24 % (1 sur 4) tout à fait insatisfaits.
Quant à l’avenir professionnel, il semble très compromis chez ces patients qui se disent pessimistes à 43 %.
En cas de perte d’emploi, 77 % pensent que le fait de retrouver un emploi sera difficile.
En revanche, ils sont 67 % plutôt satisfaits de leur relation avec leurs collègues ou leur hiérarchie. 50 % des patients déclarent avoir parlé de leur maladie à certaines personnes seulement, notamment les collègues les plus proches et/ou le supérieur hiérarchique direct et 37 % en ont parlé librement. Ceux qui en ont parlé sont 72 % à affirmer avoir été soutenus par leurs collègues.
Témoignage de patient :
« Au travail j’avais le regard des autres. J’en avais beaucoup sur le visage, et on me disait : je ne comprends pas, pourquoi t’es pas en arrêt ; il faut faire quelque chose. Je me suis dit qu’ils allaient croire que c’était contagieux... »
Le LC a également des conséquences financières non négligeables pour les patients qui doivent prendre à leur charge de nombreux frais dont l’achat de crèmes hydratantes ou d’émulsions, premier poste à charge des patients, qui représente plus de 110 € par mois.
Une maladie angoissante
Le LC engendre enfin de nombreuses répercussions sur la vie personnelle. Son impact sur l’apparence physique est de loin considéré comme le plus important (67 %). L’impact psychologique peut conduire le patient à se replier sur lui-même avec une tendance menant à un fond dépressif. Ils sont 60 % à ressentir des effets sur leur moral, leur état psychologique ou émotionnel. Les effets de la maladie qui ne s’éteindra jamais associés à ceux du traitement procurent des perspectives angoissantes pour les patients qui ne voient aucun espoir de rémission.
Certains « guettent » leurs lésions pour suivre leur évolution. Chez les femmes, ces lésions cutanées changent le regard porté sur elles surtout s’il y a des squames.
Même au sein des couples ou de la famille, la maladie est souvent évitée et n’est pas un sujet de discussion.