Colloque 2018
9h30 : Accueil des participants
10h00 : Ouverture du colloque par Guy Bouguet, Président FLE
10h10 : Première session : Lymphome, pourquoi moi ?
Présentation de l’étiologie des lymphomes par X. Troussard
(Fréquence, survie et amélioration de la survie, formes familiales et prédispositions génétiques …)
Disparité régionale des lymphomes et présentation du travail d’Interlymph, par M. Maynadié
(Facteurs de risque et comparaisons régionales et internationales …)
Maladie professionnelle ? par B. Slama
(Quel est le parcours pour obtenir cette reconnaissance)
Présentation d’un patient qui explique son parcours de reconnaissance professionnelle par Armel Richomme
11h00 : Table ronde sur le thème du lymphome, pourquoi moi ?
Intervenants : les 4 précédents orateurs + G.Bouguet
12h00 : Remise des bourses FLE 2017
12h30 : PAUSE DEJEUNER
13h30 : REPRISE
13h30 : De Nantes 2012 à Nantes 2018, où en est-on ? Présenté par Steven Le Gouill et 1 représentant FLE
En format Speed Data, 10 minutes, avec une forme identique, 4 à 5 chapitres présentés lors du colloque de Nantes en 2012, repris par des hématologues sur leurs avancées, leur avenir ou leur arrêt ( Essais cliniques, Empathie, l’évolution de traitements innovants, quoi de neuf sur l’epidemiologie ? La classification OMS…)
14h00 : Retour sur les Journées du LYSA, par Steven le Gouill ou Gilles Salles ?????
14h30 : Présentation de la plateforme essais cliniques FLE par G. Bouguet
14h45 : Table ronde avec tous les intervenants, thème : Nos lymphomes, quel avenir ?
15h15 : PAUSE CAFE
15h30 : Dernière session : Traitements et troubles cognitifs
Que sont les troubles cognitifs ? Qui cela concerne-t-il ? par le Dr M. Lange
(Explication de PC et présentation et analyse des résultats de l’enquête effectuée lors de la JMLs)
Présentation de la plateforme « cancer et cognition » par L. Tron
Témoignage patient ou proche atteint de troubles cognitifs (patient sélectionné par M.Lange ou Michel J)
16h05 : Table ronde : traitements et troubles cognitifs : Parlons-en ?
Intervenants : Marie Lange, Laure Tron, Patient témoin, 1 personne de FLE (Michel ?),
Un clinicien (Dr Slama)
16h50 à 17h - : Clôture du colloque par FLE.
Un colloque de haute tenue
La 5e édition du colloque national sur les lymphomes — « lymphormons-nous ! » — s’est tenue le 10 février dernier à la Cité des congrès de Nantes. Réunissant quelque 350 personnes, la journée a été particulièrement riche et dense. Elle a permis d’aborder de nombreux thèmes à la fois médicaux et sociaux concernant les lymphomes et la vie avec ces maladies. De larges plages de temps dédiées aux échanges entre les intervenants et le public ont permis des échanges souvent passionnants. Compte rendu.
- LYMPHOME: POURQUOI MOI?
Pour les membres présents de France Lymphome Espoir, le 5e colloque « Lymphormons-nous ! » était un peu comme un retour aux sources. C’est en effet dans la même salle de la Cité des congrès de Nantes, située au confluent de l’Erdre et de la majestueuse Loire, qu’avait été organisé le 1ercolloque national sur les lymphomes de l’association en 2012. Ce fut donc l’occasion de mesurer le chemin parcouru tant par l’association que par la recherche sur les enjeux médicaux mais aussi sociaux de la lutte contre les lymphomes.
La matinée fut tout d’abord consacrée à une question que tout un chacun se pose dès lors qu’un diagnostic de lymphome est posé : « pourquoi moi ? ». Dans la très grande majorité des cas, l’origine de la maladie est inconnue. Le Pr Xavier Troussard, du CHU de Caen, a apporté des éléments de réponse sur quelques facteurs environnementaux. Concernant la radioactivité à faible dose, liée notamment à des installations nucléaires, les études réalisées sont peu concluantes ; s’il y a augmentation du risque d’hémopathies — ce qui n’est pas démontré à ce jour —, celle-ci est probablement faible. L’absence de certitude est également de mise concernant le glyphosate, le pesticide à la fois le plus connu et le plus utilisé au monde. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), affilié à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), considère ce produit comme probablement cancérigène. Mais les études épidémiologiques sont contradictoires. Une vaste étude américaine récente n’a ainsi pas mis en évidence de sur-risque d’hémopathie lié à l’utilisation de ce produit. Le Pr Troussard s’est toutefois bien gardé d’affirmer une position tranchée sur la question. Il a conclu que sur les facteurs environnementaux, beaucoup d’inconnues persistaient. D’autant que les études sur ces sujets sont compliquées à réaliser (elles nécessitent l’implication de très nombreuses personnes suivies pendant de très longues durées) et que les financements sont rares.
L’étude des facteurs génétiques, de son côté, n’est guère plus simple a ensuite expliqué le Pr Maynadié, du CHU de Dijon. Identifier des gènes constitutionnels, c’est-à-dire hérité de nos parents, conférant une susceptibilité particulière au développement d’un lymphome nécessite en effet d’étudier le génome d’un grand nombre de malades et de les comparer à celui d’autant de personnes non touchées. Un consortium international a ainsi été créé en 2001 avec des équipes nord-américaines, européennes et australiennes. Sous le nom d’Interlymph, ce consortium a permis de constituer une base de données commune réunissant des données sur près de 17 500 patients atteints d’un lymphome et de plus de 23 000 témoins. Les recherches menées à partir de cette base de données ont permis d’identifier quelques configurations géniques associées à des formes de lymphome, voire à plusieurs. Mais les liens de causalité entre ces configurations et la survenue de la maladie sont plutôt ténus jusqu’à présent. Si ces recherches sont importantes pour tenter de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la survenue de la maladie, a conclu le Pr Meynadié, elles ne permettent pas d’envisager à court terme de nouvelles pistes thérapeutiques.
Le parcours du combattant
Malgré toutes ces incertitudes, certains lymphomes sont inscrits dans les tableaux donnant droit à une reconnaissance de maladie professionnelle. Une telle reconnaissance permet notamment de bénéficier d’indemnités journalières plus favorables et d’une indemnisation en cas d’incapacité réduite de travail. Membre de l’association, Armelle a témoigné du véritable « parcours du combattant » de plusieurs années qui lui a permis d’obtenir cette reconnaissance. Agriculteur, il a dû faire face à de multiples entraves de la part de son organisme d’assurance maladie, la MSA (Mutualité Sociale Agricole). Il se bat encore pour tenter d’obtenir une indemnisation. Pour Armelle, « la MSA n’apporte aucun soutien aux victimes et retarde les dossiers ».
Le Dr Slama, du centre hospitalier d’Avignon, a ensuite confirmé toutes les difficultés que rencontrent les travailleurs exposés à des produits cancérigènes pour faire reconnaître leur maladie comme étant d’origine professionnelle. Cette situation concerne entre 4 % et 8,5 % des cancers, soit de 13 000 à 30 000 nouveaux par an. Mais en 2015, seuls 1 804 personnes ont obtenu une reconnaissance de maladie professionnelle. Les conditions d’obtention sont restrictives. Mais ce sont surtout les démarches administratives à effectuer qui sont particulièrement complexes et longues. Ainsi, la moitié des malades les abandonnent en cours de route. De plus, les médecins sont peu formés à ces questions et ne savent pas forcément comment accompagner au mieux leurs patients dans ce type de démarches. Dans tous les cas, le Dr Slama recommande aux malades d’engager les démarches s’ils pensent être concernés et de consulter en tout premier lieu leur médecin du travail ; c’est pour lui l’interlocuteur à privilégier pour être bien orienté.
- LES PROGRÈS DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
Le début d’après-midi a été consacré à l’actualité des recherches médicales. Le Pr Le Gouill, du CHU de Nantes, a tout d’abord présenté un topo sur le typage des lymphomes, c’est-à-dire la caractérisation des différents types de la maladie. Celle-ci a connu d’importants progrès ces dernières années grâce aux nouvelles techniques d’analyse des cellules tumorales. La classification OMS de 2008 reconnaissait 73 formes différentes de lymphomes. En 2016, elle en compte 103 ! Beaucoup de nouvelles techniques d’analyse relèvent encore de la recherche et ne sont pas utilisées en routine. Mais à terme, elles devraient permettre un véritable diagnostic moléculaire pour chaque lymphome et ainsi orienter les choix thérapeutiques.
Question traitement, la recherche n’est pas en reste de progrès. Le Dr Blin, du CHU de Nantes, a dressé un panorama complet des nouveaux traitements des lymphomes, ceux qui sont déjà disponibles et ceux qui devraient l’être à plus ou moins brève échéance. Pour ces derniers, il a notamment évoqué :
- les immunomodulateurs, qui stimule l’immunité cellulaire et inhibe l’angiogénèse (fabrication de nouveaux vaisseaux sanguins pour alimenter la tumeur) ;
- les agents pro-apoptiques, qui favorisent l’apoptose, c’est-à-dire la mort programmée des cellules, processus qui est déréglé pour les cellules tumorales ;
- les inhibiteurs de checkpoint immunitaires, souvent appelés immunothérapies, qui bloquent les mécanismes permettant aux cellules tumorales d’échapper à l’action du système immunitaire.
Pour chacune de ces catégories de médicaments, un ou plusieurs produits sont attendus dans un futur proche.
Démocratie sanitaire et coup de gueule !
La mise au point de nouveaux médicaments est réalisée dans le cadre d’essais cliniques auxquels participent des patients. Mais pour ces derniers, il n’est pas forcément évident de s’informer sur les essais en cours qui pourraient les concerner. C’est la raison pour laquelle France Lymphome Espoir a lancé fin 2017 la plateforme ORELy (pour Outil de Recherche d’Etudes sur les Lymphomes). Le président de l’association, Guy, en a fait une présentation complète. Librement accessible (www.orely.org), cette plateforme répertorie de manière actualisée tous les essais en cours de réalisation en France sur les lymphomes. Un moteur de recherche permet de trier les essais par type de lymphome, situation de la maladie et tranche d’âge. Chaque essai est présenté de manière accessible sur ses objectifs et ses modalités de participation, avec la liste des centres investigateurs. Pour Guy, l’accès à ses informations est fondamental pour permettre à chaque patient d’être acteur de sa prise en charge. C’est aussi une action qui s’inscrit dans une démarche de démocratie sanitaire.
La session sur les traitements s’est terminée par un retour du Pr Le Guill sur la scène pour une synthèse des journées du LYSA qui venaient de s’achever ([1]). Le LYSA est le groupe coopérateur français sur les lymphomes, c’est-à-dire un groupement de centres, de médecins et de chercheurs travaillant de concert pour mener des recherches. Pour le Pr Le Guill, il s’agit du plus important groupe coopérateur en hématologie au monde. Il est ainsi à l’origine de plusieurs grands essais qui ont modifié les modalités de prise en charge de certains lymphomes. Le Pr Le Guill s’est attaché à expliquer comment fonctionne le LYSA. Il a également poussé un « coup de gueule » contre les lourdeurs administratives qui, selon lui, entrave la compétitivité de la recherche en France.
- LA VIE RÉELLE ET UNE… SURPRISE ! ENQUÊTE ENPATHIE
La dernière session de la journée, consacrée aux troubles cognitifs associés aux traitements, a été tout aussi, sinon plus passionnante encore que les autres (voir article ci-contre). En prélude, Guy a présenté les résultats de l’enquête ENPatHieTMsur l’expérience vécue par les patients atteints d’hémopathies malignes. Réalisée avec deux autres associations — AF3M et SILLC — et trois laboratoires — Celgene, Janssen et Roche —, cette enquête qualitative s’est attachée à explorer comment les patients perçoivent leur maladie, leur prise en charge et leur vie avec une hémopathie maligne, à partir d’entretiens avec des patients, des proches et des soignants.
L’enquête montre tout d’abord que les hémopathies malignes sont des maladies mal comprises par les patients. En l’absence de localisation précise, beaucoup rencontrent des difficultés à se représenter ce dont ils sont atteints. D’autant que le mot cancer n’est pas systématiquement employé lors de l’annonce de la maladie. Par ailleurs, le caractère généralement chronique des hémopathies malignes, avec une succession de temps de traitement et de rémission, tend à perturber l’ensemble de la vie des malades, conduisant souvent à une perte progressive d’autonomie et à un isolement social. Enfin, l’enquête montre que les patients ont un accès insuffisant aux soins de support, souvent faute d’information, alors que ceux-ci sont pourtant, lorsqu’ils sont proposés, d’une aide certaine.
Enpathie
Les résultats de cette enquête ont conduit à l’élaboration de plusieurs recommandations visant à « améliorer l’entrée dans la maladie, gérer sa chronicité et améliorer le vécu des patients ». Elles portent notamment sur un accompagnement progressif des malades grâce à un vocabulaire plus clair et une communication davantage adaptée aux différents temps de la maladie, sur une amélioration de l’accès aux soins de support, en particulier l’activité physique adaptée, ainsi que sur une meilleure prise en compte et prise en charge de la fatigue.
À l’issue de la journée, la fatigue se faisait justement un peu sentir. Mais les organisateurs du colloque, au premier rang desquels Guy, Christophe et Anne, avait réservé aux participants un moment de détente bienvenue. Caroline, alias La Chauve Sourit, est montée sur scène pour présenter de larges extraits de son spectacle « mon cancer va vous faire mourir… de rire ! » dont elle avait donné la première quelques jours plus tôt à Toulouse. Avec un humour par moments teintés de gravité et une évidente authenticité, Caroline y raconte sa vie avec la maladie. Nul doute que parmi le public, beaucoup s’y sont reconnus !
- LES LAURÉATS DES BOURSES DE RECHERCHE
Comme lors de chacun de ses colloques, France Lymphome Espoir remet trois bourses visant à soutenir financièrement des projets de recherche. L’édition nantaise n’a pas dérogé à la règle. C’est en présence du Dr Philippe Solal-Céligny, co-président du conseil scientifique de l’association, qu’elles ont été remises.
La bourse pour la qualité de vie des patients a ainsi été attribuée à une équipe du centre hospitalier de Quimper, dirigée par le Dr Hutin, pour un projet d’accompagnement et de suivi des patients à distance.
Le prix du jeune chercheur a de son côté a été remis au Dr Chiche, chercheuse à Inserm à Nice, pour une recherche intitulé « exploitation thérapeutique ciblée du métabolisme énergétique des LDBGC ». Cette recherche vise à identifier de nouveaux biomarqueurs en tenant compte de l’avidité des cellules des lymphomes diffus à grandes cellules B pour certains nutriments, en particulier le sucre.
Enfin, la bourse Sacha pour la recherche sur les lymphomes des adolescents et jeunes adultes a été attribuée au Dr Le Du de la clinique Victor Hugo du Mans pour un projet dénommé « impact de la réalité virtuelle thérapeutique dans la gestion de la douleur et de l’anxiété liées aux soins en hématologie ». Il s’agit d’un essai sur une nouvelle technique de relaxation recourant à un casque de réalité virtuelle.
Bourse 2018
Un appel à projets a d’ores et déjà été lancé pour trois nouvelles bourses qui seront attribuées lors du prochain colloque, programmé le 12 octobre 2019. Les bourses restent les mêmes, mais leur montant a été sensiblement augmenté : il passe de 15 000 € à 20 000 € !
- TROUBLES COGNITIFS : LORSQUE LES TRAITEMENTS ALTÈRENT LE CERVEAU !
C’est une plainte fréquente des patients pendant et après leur traitement : avoir le sentiment de tourner au ralenti, de moins parvenir à se concentrer, d’avoir la tête dans une forme de brouillard. Jusqu’à récemment, ces plaintes étaient peu prises en compte et encore moins explorées. C’est en train de changer. Et les recherches montrent que, effectivement, les traitements affectent certaines fonctions cérébrales. Explications.
Les fonctions cognitives ou intellectuelles se rapportent à tout ce que nous faisons avec notre cerveau tout au long de notre vie. Elles concernent donc l’apprentissage, le langage, la mémoire, l’attention, le raisonnement, la résolution de problème, etc. Autant dire que ces fonctions sont précieuses ! Dans la vie quotidienne, elles peuvent être plus au moins efficaces. La fatigue, le stress ou l’anxiété peuvent altérer la capacité à se concentrer par exemple. Le vieillissement naturel tend aussi à amoindrir — très progressivement — les fonctions cognitives. Mais il est une situation où une altération anormale de ces fonctions est fréquemment rapportée : celles des personnes traitées pour un cancer.
C’est en effet une plainte fréquente, comme l’a indiqué lors du colloque le Dr Marie Lange, neuropsychologue au Centre François Baclesse de Caen. Les personnes disent rencontrer des difficultés à se concentrer, à lire, à se souvenir, à réaliser plusieurs tâches en même temps ou à apprendre de nouvelles informations ou concepts. Elles peuvent également avoir du mal à trouver leurs mots lors d’une conversation ou égarer des objets. Ces difficultés sont d’autant plus importantes lorsque la situation implique plusieurs personnes ou en présence de distracteurs (une musique en fond sonore par exemple).
Une réalité démontrée
Une étude réalisée par l’association Les Seintinelles [1]auprès de 1610 femmes, pour la plupart atteintes d’un cancer du sein, montre que 86 % d’entre elles ont éprouvé des difficultés cognitives, essentiellement pendant et à l’issue des traitements, a rapporté le Dr Lange. Cette dernière a mené une enquête avec France Lymphome Espoir lors d’une Journée mondiale des lymphomes. 558 personnes ont répondu à un questionnaire. 62 % ont indiqué rencontrer des difficultés cognitives, là encore principalement pendant et à l’issue des traitements.
Le ressenti des personnes peut être mesuré objectivement par le biais de tests neuropsychologiques. Les études disponibles concernent essentiellement le cancer du sein. Elles indiquent que 15 % à 25 % des patientes présentent un déclin cognitif à l’issue de leur traitement. Les déficits sont modérés et le plus souvent transitoires ; ils s’estompent progressivement dans un délai variable après l’arrêt de la chimiothérapie. Une étude récente a concerné des patients traités pour un lymphome. Les tests objectifs montrent que 21 % d’entre eux présentaient des troubles cognitifs. Les plaintes exprimées par les patients correspondent donc bien à une réalité.
L’effet direct des chimiothérapies
La grande question est de savoir quelles sont les raisons des déficits cognitifs observés. Celles-ci sont à l’évidence multiples : l’âge, l’environnement social, le style de vie, l’état psychologique, mais aussi des facteurs biologiques et/ou génétiques, et la présence d’autres maladies ont certainement une influence. Mais des recherches ont mis en évidence une neurotoxicité directe des chimiothérapies, a expliqué le Dr Hélène Castel, neurobiologiste auprès de la plateforme Cancer et Cognition du Cancéropôle Nord Ouest [2]. L’exemple le plus frappant, a-t-elle rapporté, est celui de deux sœurs vraies jumelles ayant toujours vécu ensemble. Elles ont donc un génome et un environnement de vie strictement identique. L’une est atteinte d’un cancer du sein et reçoit pour cela une chimiothérapie. Une équipe médicale a fait passer à l’une et à l’autre, le même jour, une IRM du cerveau alors qu’elles effectuaient des tests cognitifs. « Les images de l’IRM montrent que la patiente qui a reçu la chimiothérapie mobilise davantage de zones cérébrales que sa sœur pour les mêmes tâches, a expliqué le Dr Castel. Cela tend à montrer que la chimiothérapie induit une baisse d’efficacité des fonctions cognitives conduisant à une compensation par une hyperactivation cérébrale. » Pour elle, c’est une des raisons possibles de la fatigue fréquemment ressentie par les patients atteints de cancer.
Des expériences ont par ailleurs été réalisées avec des souris. Dans l’une de ces expériences, les souris devaient dans un premier temps trouver une plateforme au sein d’un récipient rempli d’eau. La plateforme était ensuite déplacée. L’expérience montre que les souris exposées à un produit de chimiothérapie ont rencontré beaucoup plus de difficultés à trouver la plateforme à son nouvel emplacement. Cela indique que la chimiothérapie diminue la capacité d’adaptation à un nouvel environnement, ce que l’on appelle la flexibilité comportementale. L’étude post-mortem du cerveau de ces mêmes souris met également en évidence une diminution du nombre de cellules-souches neuronales chez celles qui ont été exposées à la chimiothérapie. Le traitement conduit ainsi à une diminution du renouvellement des neurones.
Ce qu’il est possible de faire
Ces constats établis, la question de la prise en charge des troubles cognitifs est évidemment centrale. De nombreux médicaments ont été évalués pour tenter de les corriger, mais aucun effet bénéfique clairement établi n’a jusqu’à présent été mis en évidence. En revanche, il a été établi un lien entre l’activité physique et la fatigue, la première étant aujourd’hui considérée comme un vrai « traitement » de la seconde. Comme la fatigue influe sur les capacités cognitives, il est donc recommandé aux patients d’avoir une activité physique régulière et adaptées à leurs capacités, a indiqué le Dr Lange. D’autres activités, comme la méditation, le Tai chi, le qi gong ou le yoga, semblent également avoir un effet bénéfique. Dans tous les cas, ces activités et le sport conduisent généralement à une amélioration de la qualité de vie.
Il est également possible de faire « travailler son cerveau », à l’aide d’exercices. Une étude récente a évalué l’utilisation régulière d’un logiciel en ligne auprès de patients, essentiellement des femmes traitées pour un cancer du sein. Si elle ne met pas en évidence de différence, après 15 semaines d’utilisation, sur les résultats des tests cognitifs, elle montre que les patients ressentent moins les effets des déficits. De plus, ils déclarent moins ressentir d’anxiété, de stress et de fatigue. Plusieurs études sur l’utilisation de tels logiciels sont en cours, dont une est menée par le Centre François Baclesse à Caen avec la participation de trois autres centres [3].
Au total, cette session du colloque a permis de bien mettre en évidence une problématique à laquelle bon nombre de personnes traitées sont confrontées. La grande difficulté pour la plupart est de parvenir à reconnaître et faire reconnaître ce type de troubles. Comme en a témoigné une patiente dans l’assistance au cours de la discussion « le problème, c’est que nous avons du mal à en parler parce que nous-même nous ne faisons pas le lien entre ce que nous pouvons ressentir et les traitements ». Le travail réalisé par la plateforme Cancer et Cognition, qui est unique en son genre en France, devrait, espérons-le, contribuer à ce que les soignants soient davantage sensibilisés à la question des troubles cognitifs.
À l’issue de la journée, la fatigue se faisait justement un peu sentir. Mais les organisateurs du colloque, au premier rang desquels Guy, Christophe et Anne, avait réservé aux participants un moment de détente bienvenue. Caroline, alias La Chauve Sourit, est montée sur scène pour présenter de larges extraits de son spectacle « mon cancer va vous faire mourir… de rire ! » dont elle avait donné la première quelques jours plus tôt à Toulouse. Avec un humour par moments teintés de gravité et une évidente authenticité, Caroline y raconte sa vie avec la maladie. Nul doute que parmi le public, beaucoup s’y sont reconnus !